La télémédecine est une pratique qui consiste à utiliser les technologies de l’information et de la communication (TIC) pour fournir des services médicaux à distance. Les professionnels de santé peuvent y avoir recours pour mener des activités de prévention, de même qu’à des fins de diagnostic, de traitement et de suivi des usagers du système de santé, en particulier de ceux qui ne sont pas en mesure de se déplacer pour recevoir des soins.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la télémédecine désigne «la fourniture de services de soins de santé, lorsque l’éloignement est un facteur déterminant, par des professionnels des soins de santé faisant appel aux technologies de l’information et de la communication, d’une part, pour assurer l’échange d’informations valides à des fins de diagnostic, de traitement et de prévention des maladies et des blessures et, d’autre part, pour les besoins tant des activités de la formation permanente des prestataires de soins de santé que des travaux de recherche et d’évaluation, toujours dans l’optique de l’amélioration de la santé des individus et des communautés dont ils font partie» (OMS, 2009).
À noter que la télémédecine n’a pas vocation à remplacer les consultations physiques. Les deux approches doivent se développer de manière complémentaire et coordonnée. Elles doivent être déployées de telle sorte que le résultat final soit de même nature et de même qualité que celui obtenu dans le cadre d’un service rendu entièrement en face à face. Il importe que les services de télémédecine soient systématiquement centrés sur le patient et servent son intérêt.
La télémédecine est une composante du concept plus large d’e-santé ou de santé numérique. Les Lignes directrices de l’AISS en matière de technologies de l’information et de la communication (AISS, 2019a) contiennent un chapitre sur l’e-santé et une ligne directrice sur la fourniture de services de télémédecine et de télésanté par les institutions de sécurité sociale.
La télémédecine est principalement conçue pour permettre aux populations vivant dans des régions reculées peu dotées en ressources médicales d’avoir plus facilement accès aux services de santé – par exemple pour remédier au problème des «déserts médicaux» décrit dans un article de l’Association internationale de la sécurité sociale (AISS, 2021a). Elle facilite également l’échange d’informations entre différentes organisations et entre le personnel de ces dernières, ce qui permet de coordonner les ressources (OPS, 2016). Elle a de multiples applications puisqu’elle est utilisée dans la grande majorité des spécialités médicales. Elle offre notamment la possibilité d’avoir recours aux téléconsultations à des fins de télédiagnostic ou de traitement et de suivi à distance des patients.
Les services de télémédecine peuvent être classés dans différentes catégories selon les parties impliquées et la nature de l’interaction.
Critères | Type de service de télémédecine |
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Parties impliquées | Interaction impliquant un professionnel de santé et un patient, dans le cas des téléconsultations ou de l’accès aux examens cliniques. |
Interaction entre professionnels de santé, principalement pour échanger des données cliniques. | |
Nature de l’interaction | Services de télémédecine en temps réel, synchrones, exigeant que toutes les personnes impliquées soient connectées au même moment. Exemples: consultations médicales par vidéoconférence, suivi des paramètres biologiques ou interventions médicales à distance. |
Services de télémédecine asynchrones ou avec réponse différée. Dans ce modèle, les données relatives au patient sont recueillies et conservées pour être ultérieurement examinées par des professionnels de santé ou utilisées dans le cadre d’un échange avec le patient. |
Actuellement, la télémédecine est utilisée pour fournir des services radiologiques, dermatologiques et psychiatriques et pour prendre en charge des patients à domicile grâce à la surveillance d’une série de paramètres biologiques. Les progrès de la robotique, de la réalité virtuelle et de l’intelligence artificielle ont également permis de concevoir des services de chirurgie à distance (téléchirurgie).
Pendant la pandémie de COVID-19, la télémédecine a joué un rôle qui ne peut pas être sous-estimé parce qu’elle a contribué à maintenir le lien entre les professionnels de santé et leurs patients tout en limitant au maximum les contacts physiques. L’article de l’AISS intitulé Construire des systèmes de santé plus résilients (AISS, 2021b) présente des exemples qui l’illustrent. Selon l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS), la télémédecine a permis la continuité de nombreux services cliniques d’importance capitale durant la pandémie (OPS et BID, 2020). Dans le même temps, pour généraliser l’utilisation de ces services, il a fallu procéder à des adaptations à tous les niveaux, par exemple assouplir certaines règles techniques aux États-Unis pour que des outils à usage commercial puissent être utilisés dans un cadre familial (Marin, 2020).
Le concours pour le Prix AISS des bonnes pratiques pour les Amériques (2020) est au nombre des activités de l’AISS qui ont montré que, même si certaines institutions de sécurité sociale avaient déjà commencé à déployer les services de télémédecine, ce processus s’est accéléré en 2020 sous l’effet de l’urgence sanitaire née de la pandémie de COVID-19.
Synthèse des résultats obtenus par les institutions de sécurité sociale
Les institutions de santé et de sécurité sociale des Amériques avaient déjà de plus en plus recours aux techniques de télémédecine, mais cette tendance s’est accentuée durant la pandémie de COVID-19. Les résultats positifs obtenus, qui sont récapitulés ci-après, ont donné naissance à un modèle de soins plus diversifié, adapté aux défis décrits par les différentes organisations.
Expériences | Avant | Maintenant |
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Argentine (Association mutuelle pour la protection de la famille, 2020) |
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En 2019:
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En 2020:
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Équateur (Institut équatorien de sécurité sociale, 2020) |
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En avril 2020: 320 téléconsultations |
En mai 2020: 1 159 téléconsultations |
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(EsSalud – Institut d’assurance sociale de santé, 2020) |
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Quelque 96% des réseaux de soins mettent au point des systèmes de téléconsultation Des services de téléradiologie (radiographies, scanners, mammographies) sont désormais proposés |
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Mexique |
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En 2019:
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In 2020:
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Uruguay Banque d’assurance sociale (BPS) |
Modèle exclusivement fondé sur des consultations physiques | Possibilité de consultations par vidéoconférence pour la fourniture de soins et l’évaluation de l’invalidité |
Uruguay Cercle catholique ouvrier de l’Uruguay mutualiste |
Modèle exclusivement fondé sur des consultations physiques | Possibilité de consultations par vidéoconférence |
Expériences d’utilisation de la télémédecine dans le domaine de la sécurité sociale
Les approches et stratégies suivies par les institutions pour mettre en œuvre la télémédecine sont diverses parce qu’elles répondent à des besoins et objectifs différents. Néanmoins, toutes les expériences présentées ci-dessus reposent sur la mise en œuvre des recommandations contenues dans les Lignes directrices de l’AISS en matière de qualité des services (AISS, 2019b) et dans les Lignes directrices de l’AISS en matière de technologies de l’information et de la communication.
En Argentine, l’Association mutuelle pour la protection de la famille (Asociación Mutual de Protección Familiar – AMPF) a donné la priorité à l’optimisation de l’accès aux consultations tout en préservant la qualité des soins. L’objectif était d’améliorer et d’accélérer l’accès aux soins de santé en permettant de prendre des rendez-vous immédiats et de faciliter l’établissement d’un diagnostic en offrant à des médecins de spécialités différentes la possibilité de communiquer.
Un système de téléconsultation intégré (admettant à la fois des appels vocaux et vidéo) permet de disposer d’un moyen simple et efficace pour prendre rendez-vous par l’intermédiaire d’une plateforme virtuelle, puis de bénéficier de la consultation de la même manière, tout en préservant la qualité de la relation médecin-patient.
Ce système optimise aussi l’emploi du temps des professionnels de santé en leur donnant la possibilité de prescrire en ligne des médicaments, des examens d’imagerie diagnostique et des tests cliniques et de consulter les résultats de ces tests ou encore d’effectuer un suivi des patients à distance.
L’approche suivie par l’Institut équatorien de sécurité sociale (Instituto Ecuatoriano de Seguridad Social – IESS) permet aux patients qui ont pris rendez-vous par l’intermédiaire du centre d’appels mais ne peuvent pas se déplacer d’accéder aux soins au moyen d’un ordinateur ou d’un dispositif intelligent.
L’objectif est de garantir que la majorité des habitants, où qu’ils résident sur le territoire, puissent accéder à une consultation virtuelle depuis leur domicile, même si la priorité est donnée aux patients/usagers appartenant à un groupe vulnérable. Les patients n’ont ainsi pas besoin de se rendre en consultation physiquement, ce qui réduit le risque de contracter la COVID-19.
Il reste toutefois à trouver des solutions aux difficultés d’accès au système rencontrées par les habitants de zones rurales et par ceux qui ont peu accès à Internet.
Au Pérou, EsSalud – Institut d’assurance sociale de santé (Seguro Social de Salud) a déployé sa solution de télémédecine en réaction à la COVID-19 pour les patients souffrant d’affections chroniques après que le ministère de la Santé a recommandé d’interrompre les consultations physiques et les tests à visée diagnostique afin de ne pas exposer la population à un risque de contamination.
Un système reposant sur l’exploitation des technologies de l’information permet aux patients d’avoir accès aux soins. Il comprend des fonctionnalités telles que l’analyse de la demande, l’accès à distance aux dossiers médicaux des patients, un système de prise de rendez-vous en ligne, ainsi qu’un dispositif de suivi à distance et de délivrance d’ordonnances avec une signature numérique.
EsSalud a ainsi pu continuer de dispenser des services aux patients souffrant d’affections chroniques, y compris aux enfants.
Au Mexique, l’Institut de sécurité sociale et des services sociaux des travailleurs au service de l’État (Instituto de Seguridad y Servicios Sociales de los Trabajadores del Estado – ISSSTE) utilise la télémédecine depuis les années 1990. Il a commencé d’introduire les nouvelles technologies, en particulier les communications par satellite, durant la première décennie du XXIe siècle.
Lorsque la crise sanitaire a commencé, la riche expérience qui avait été acquise et les processus déjà en place ont constitué un véritable atout pour les services de santé du pays, contribuant à garantir un accès rapide aux soins, à réduire la nécessité de se déplacer et à élargir la couverture des soins médicaux spécialisés.
Le modèle proposé par l’ISSSTE est un modèle multiréseau proposant trois niveaux de soins. «Telemedicina ISSSTE» est une plateforme qui permet d’accéder à des téléconsultations grâce à un système de vidéoconférence à haute résolution qui met en relation les médecins et les patients. Les patients qui vivent dans des régions reculées ont ainsi la possibilité de consulter les spécialistes dont ils ont besoin. Le système réduit aussi les délais d’attente puisqu’il est possible d’obtenir un rendez-vous en vingt-quatre heures, voire moins.
En Uruguay, la Banque d’assurance sociale (Banco de Previsión Social – BPS) fait pour la première fois l’expérience de la télémédecine. Elle l’utilise de deux manières: pour permettre l’accès à des téléconsultations grâce à des solutions de vidéoconférence et pour évaluer la capacité ou l’incapacité d’un travailleur à continuer de travailler.
Suite à l’adoption, le 2 avril 2020, de la loi no 19689 portant approbation de directives générales relatives à l’utilisation de la télémédecine et à l’autorisation de recourir à la télémédecine donnée par le ministère de la Santé publique, le Cercle catholique ouvrier de l’Uruguay mutualiste (Círculo Católico de Obreros del Uruguay Mutualista) a commencé à proposer des téléconsultations pour les soins ambulatoires.
Obstacles à surmonter et éléments clés
L’essor de la télémédecine a des avantages, mais il pose aussi des problèmes liés à l’utilisation de technologies avancées, à la qualité de la connectivité, à l’inclusion numérique et à divers aspects juridiques et éthiques en rapport avec les soins de santé (OPS, 2016; OMS, 2010).
L’un des principaux obstacles identifiés réside dans le fait que l’utilisation de technologies avancées, extrêmement spécialisées et évoluant en permanence, est une démarche complexe. De même, la connectivité est un aspect crucial, tant pour les services médicaux que pour ceux qui les utilisent, en particulier pour la télémédecine synchrone. L’inclusion numérique est donc indispensable, notamment l’accessibilité des appareils.
De même, il n’est pas possible de faire abstraction des problèmes juridiques et éthiques que pose la télémédecine – et qui devront être résolus par les organisations qui prévoient d’y recourir. Ainsi, certains patients peuvent se montrer réticents à être enregistrés pendant une vidéoconférence, ou avoir des inquiétudes au sujet de la confidentialité ou de la protection de leurs données. Pour dissiper ces craintes, il faut que les systèmes de téléconsultation et d’échange de données, ainsi que les dossiers médicaux soient protégés par des mécanismes fiables de protection des données et de la vie privée. En outre, il faut que l’échange de données entre professionnels de santé soit régi par un cadre juridique adapté, par exemple reposant sur le consentement éclairé du patient concerné.
Autre sujet d’inquiétude: la disparition du contact direct entre professionnels de santé et patients. Toutefois, comme souligné précédemment, la technologie n’a pas vocation à se substituer à l’humain: elle doit plutôt être vue comme un outil complémentaire donnant accès à des solutions qui, en son absence, n’existeraient pas.
La formation apparaît également comme un élément essentiel dans l’ensemble des bonnes pratiques présentées, qui montrent toutes combien il est important d’offrir une formation solide aux professionnels comme aux usagers du système de santé.
En Argentine, l’AMPF a mené des actions pour que les professionnels et les membres se familiarisent avec la plateforme, de même que pour faire connaître l’objectif de ce modèle de soins et expliquer comment il devait être utilisé. En Équateur, l’IESS a formé le personnel médical à l’utilisation de l’outil technologique et a produit et publié des manuels d’utilisation à l’intention du grand public. Au Pérou, EsSalud s’est mobilisé pour définir un nouveau processus de nature à susciter l’adhésion de toutes les parties prenantes grâce à un travail d’équipe qui a permis de garantir que le dispositif était efficace et pouvait être déployé et répliqué.
Conclusions
La télémédecine est de plus en plus un modèle créateur de valeur ajoutée. Comme le démontrent les bonnes pratiques soumises par certaines organisations de sécurité sociale et les exemples présentés durant le webinaire et décrits dans cet article, il est évident que le fait d’introduire la technologie dans les soins sous la forme de pratiques comme la télémédecine est une voie que beaucoup d’organisations ont empruntée avec succès.
Dans le contexte de la crise sanitaire de la COVID-19, la télémédecine en général et les téléconsultations en particulier sont apparues comme des outils essentiels parce qu’elles ont permis aux habitants de recevoir des soins de haute qualité où qu’ils résident et sans quitter leur domicile, protégeant ainsi les patients eux-mêmes et la société dans son ensemble du risque de contamination. La télémédecine a donc apporté la preuve du potentiel qu’elle offre pour la prise en charge des personnes âgées et des patients souffrant d’affections chroniques parce que, associée à d’autres outils d’e-santé comme les bases de données médicales, elle permet d’effectuer un suivi à distance de leurs paramètres biologiques.
L’utilisation de la télémédecine s’accompagne cependant de divers défis sur les plans technologique, juridique, social et éthique. L’inclusion numérique des usagers – la possibilité d’accéder aux outils et à une bonne connexion, mais aussi la capacité à les utiliser – est un élément décisif pour la réussite de cette pratique.
La formation des professionnels de santé et l’élaboration de lignes directrices pour les usagers sont également indispensables lorsque l’on déploie des services de télémédecine, l’objectif étant de créer un sentiment de confiance et de sécurité, ce qui est essentiel pour prodiguer des soins de qualité.
En résumé, la télémédecine ne remplace pas la pratique traditionnelle: elle la complète, contribuant à l’amélioration de l’accessibilité et de l’universalité des services et facilitant la prise en charge des patients pendant les périodes de crise comme la crise sanitaire actuelle. L’utilisation d’une diversité de modèles et techniques de soins améliore la qualité de la prise en charge médicale, compte tenu de l’évolution des besoins de la société. Après la pandémie, et a fortiori dans le contexte du vieillissement démographique, la télémédecine apparaîtra comme une pratique fortement créatrice de valeur du point de vue de l’amélioration de l’état de santé de la population et de la qualité des services de soins de santé.
Références
AISS. 2019a. Lignes directrices de l’AISS en matière de technologies de l’information et de la communication (Édition revue et augmentée). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.
AISS. 2019b. Lignes directrices de l’AISS en matière de qualité des services (Édition révisée). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.
AISS. 2021a. Y a-t-il un médecin? Relever le défi des déserts médicaux (Nouvelles et analyses). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.
AISS. 2021b. Construire des systèmes de santé plus résilients (Nouvelles et analyses). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.
Association mutuelle pour la protection de la famille. 2020. Système visant à optimiser l’accès aux consultations médicales (Bonnes pratiques en sécurité sociale). Genève, Association internationale de la sécurité sociale
EsSalud - Institut d'assurance sociale de santé. 2020. EsSalud et la téléconsultation: mise au point d’un dispositif essentiel pour la prise en charge des patients atteints de maladie chronique dans le cadre de la pandémie de COVID-19 (Bonnes pratiques en sécurité sociale). Genève, Association internationale de la sécurité sociale.
Institut équatorien de sécurité sociale. 2020. Consultation médicale virtuelle assistée: téléconsultation (Bonnes pratiques en sécurité sociale). Genève, Association internationale de la sécurité sociale
Marin, A. 2020. «Telemedicine takes center stage in the era of COVID-19», dans ScienceMag, 6 novembre.
OMS. 2010. Telemedicine: Opportunities and developments in Member States: Report on the second global survey on eHealth (Global Observatory for eHealth, no 2). Genève, Organisation mondiale de la santé.
OPS. 2016. Marco de implementación de un servicio de telemedicina. Washington, DC, Organisation panaméricaine de la santé.
OPS; BID. 2020. COVID-19 et télémédecine: outil de mesure de niveau de maturité des établissements de santé pour la mise en œuvre des services de télémédecine. Washington, DC, Organisation panaméricaine de la santé, Banque interaméricaine de développement.