Publiée depuis 1948, la revue International Social Security Review (ISSR) est la plus importante publication trimestrielle internationale en matière de sécurité sociale dans le monde.
Les études consacrées à la protection sociale des travailleurs des plateformes en Espagne portent sur les coursiers à vélo qui livrent des repas à domicile et dont les services sont utilisés par certaines des plateformes les plus connues sur la scène économique et sociale nationale. La plupart de ces travailleurs sont protégés par les régimes de sécurité sociale des travailleurs indépendants. Toutefois, par un arrêt du 25 septembre 2020, le Tribunal suprême a requalifié en contrat de travail la relation entre Glovo et ses livreurs. Cette décision a changé la donne pour les plateformes et a conduit le gouvernement espagnol à réglementer le travail des plateformes dans le pays. Néanmoins, les règles adoptées ne visent que les livreurs alors que le problème est beaucoup plus vaste. Dans cet article, nous examinons la situation actuelle des travailleurs des plateformes espagnols en matière de sécurité sociale et les derniers arrêts rendus par le Tribunal suprême.
Aux Pays-Bas, les droits à la sécurité sociale des travailleurs des plateformes n’ont pour l’heure pas été officiellement définis. Actuellement, le niveau de protection sociale qui leur est accordé dépend directement de la qualification de leur activité en vertu du droit du travail. Comme il n’existe toujours pas de législation visant spécifiquement ces travailleurs, en particulier en ce qui concerne le droit du travail et de la sécurité sociale, c’est la législation existante qui s’applique. Il s’ensuit qu’un travailleur des plateformes peut être considéré comme un salarié et bénéficier de la protection sociale large attachée à ce statut, ou comme un travailleur indépendant et n’avoir ainsi accès qu’à une protection sociale limitée. La majorité des travailleurs des plateformes relèvent pour l’heure de ce deuxième statut. Toutefois, des évolutions récentes laissent penser qu’ils pourraient voir leur situation en matière de protection sociale s’améliorer.
Cet article compare la couverture sociale des travailleurs indépendants et salariés qui travaillent par l’intermédiaire de plateformes numériques en Suisse. Il apporte un éclairage sur les singularités qui ont contribué à ralentir l’adaptation de la législation sociale aux nouvelles formes de travail et décrit succinctement les solutions apportées par la jurisprudence. Même si elles doivent encore être affinées, ces solutions vont généralement dans le sens d’une requalification des contrats en contrats de travail salarié. Enfin, bien que les autorités suisses hésitent à prendre des mesures pour encourager ces nouvelles formes de travail malgré le potentiel économique non négligeable qu’elles offrent, nous examinons les pistes qui pourraient être envisagées en tenant compte de la nécessité de prévenir la précarisation de l’emploi.
Dans un monde en mutation, les travailleurs des plateformes éprouvent des difficultés à accéder à une protection adéquate, notamment aux prestations versées par le système de sécurité sociale. En Roumanie, le droit aux prestations de sécurité sociale a ceci de particulier qu’il est réservé aux personnes qui disposent d’un revenu professionnel, quel que soit leur statut juridique (qu’elles soient salariées ou indépendantes). En règle générale, tous les travailleurs sont couverts contre le risque de maladie et de changement de situation familiale, de même que pour la retraite. En revanche, les travailleurs indépendants n’ont accès aux prestations de chômage, aux prestations pour accident du travail et maladie professionnelle, à une indemnisation en cas de maladie et de grossesse et à des prestations versées au titre de la prise en charge d’un enfant malade que sur la base d’une affiliation volontaire. Le travail des plateformes devenant plus fréquent, cet article aborde la situation particulière des travailleurs des plateformes en Roumanie, qui sont officiellement couverts par le système de sécurité sociale, mais sont confrontés à des obstacles liés aux critères d’ouverture des droits, aux formalités administratives à accomplir, au risque de cessation automatique du travail et à la nature intermittente de leur activité.
Le travail des plateformes pose un problème au droit de la sécurité sociale traditionnel pour deux raisons. Premièrement, il rend la distinction entre travail salarié et travail indépendant floue et incertaine parce qu’il brouille la frontière entre ces deux statuts. Il s’agit là d’un défi de taille pour le droit de la sécurité sociale du fait que les critères qui permettent de qualifier une activité de salariée ou d’indépendante doivent être précis. À cet égard, le droit allemand montre qu’une évolution a eu lieu en ce sens que la détermination du statut professionnel repose, non plus sur des critères extérieurs et objectifs, mais sur la décision des parties contractantes, laquelle doit être exécutée en droit privé mais aussi respectée dans le cadre du droit de la sécurité sociale. Deuxièmement, le travail de plateforme est étroitement lié à la communication numérique, qui a créé un environnement de communication de dimension mondiale. Il peut donc aussi favoriser le commerce international parce qu’il facilite le travail transfrontalier et le rend plus efficient, d’où la nécessité d’étudier ses répercussions sous l’angle du droit international. Le droit international permet de choisir le droit dont relèvent les parties contractantes. Dès lors, la protection des travailleurs par le droit de la sécurité sociale dépend du contrat de droit privé conclu entre le prestataire et le bénéficiaire des services. Il existe très souvent des lacunes dans la protection sociale des prestataires de services, et beaucoup de pays prennent conscience de l’insuffisance de la couverture des travailleurs des plateformes et étudient des solutions pour y remédier. L’analyse montre que le prestataire et le bénéficiaire des services ont l’un et l’autre des obligations en matière de sécurité sociale en vertu de la même législation nationale. Néanmoins, les réformes sont limitées par des contraintes imposées par le droit international.
Les «travailleurs» de plateformes en ligne bénéficient-ils d’un accès effectif à une protection adéquate contre les risques sociaux et les risques liés au marché du travail? L’article tente de répondre à cette question centrale dans le contexte du marché du travail danois, où une forte insécurité de l’emploi coexiste avec un système de protection sociale relativement généreux. Nous constatons que le système légal de sécurité sociale fournit une protection contre les risques mais présente des lacunes qui remettent en cause sa capacité à offrir une couverture effective et des prestations adéquates.
Cet article présente le débat sur les régimes de sécurité sociale applicables aux travailleurs de plateformes en Italie. Comme le régime de sécurité sociale dépend du statut, salarié ou indépendant, du travailleur, nous citons des exemples tirés de la jurisprudence italienne relative au statut professionnel des travailleurs de plateformes. Nous décrivons ensuite la législation, la jurisprudence et la négociation collective en matière de santé et de sécurité au travail, ainsi que la couverture à laquelle les travailleurs de plateformes peuvent prétendre en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, en nous attardant plus particulièrement sur l’impact de la pandémie de COVID-19. Nous présentons également les deux principaux dispositifs de revenu minimum et les débats académiques auxquels ils donnent lieu, ainsi que leur effet sur la capacité des plateformes de travail numérique à échapper à leurs obligations à l’égard des travailleurs, notamment en ce qui concerne l’accès à une protection sociale adéquate.
Ce numéro spécial de l’International Social Security Review est consacré à un sujet important: celui de la protection sociale des travailleurs des plateformes en Europe. Il met en lumière le risque que les systèmes de protection sociale soient fortement fragilisés par un recul de la solidarité sociale au profit de l’individualisme, par la privatisation partielle ou totale de la sécurité sociale et par une diminution des niveaux de protection sociale; autant de phénomènes qui sont eux-mêmes la résultante de l’apparition des plateformes numériques et du soutien dont elles bénéficient de la part du législateur dans la plupart des pays.
En 2016 puis en 2019, le législateur français a abordé la question de la protection sociale des travailleurs des plateformes en intégrant ces travailleurs au régime général de la sécurité sociale en ce qui concerne la couverture de certains risques (accident du travail et maladie professionnelle) et en améliorant l’adéquation des prestations (à travers une possibilité d’accès à une couverture complémentaire). Ces initiatives reposent toutefois sur des approches radicalement opposées. Au lieu de réaffirmer la responsabilité juridique de l’employeur à l’égard de la santé et de la sécurité des travailleurs, il a décidé que cette responsabilité devait être assumée par la plateforme, mais sur une base facultative seulement, dans le cadre de la responsabilité sociale d’entreprise. Cette approche risque de fragmenter les prestations sociales, dont la définition incombe à chaque plateforme, et d’affaiblir ainsi les notions de protection mutuelle et de mutualisation des risques entre entreprises et travailleurs, lesquelles sont au cœur de la sécurité sociale. Ce faisant, le législateur a rompu le lien qui avait pour objectif historique l’inclusion sociale et a, pour diverses raisons, encouragé la privatisation ou la remarchandisation de la sécurité sociale, servant ainsi les intérêts commerciaux des compagnies d’assurance privées. De surcroît, il l’a fait en utilisant le code du travail comme un cheval de Troie. Il a pris le contrepied d’organisations internationales telles que les institutions de l’Union européenne, l’Organisation internationale du Travail et l’Organisation de coopération et de développement économiques, qui recommandent toutes aux États de créer un droit à la protection sociale pour tous les travailleurs atypiques et non salariés. Au lieu de repérer les difficultés communes à tous les travailleurs des plateformes et de leur apporter une réponse spécifiquement adaptée à leur situation, le législateur a considéré que le travail des plateformes n’était qu’une nouvelle forme de travail atypique parmi d’autres, exercée par des individus pouvant avoir soit le statut de salarié soit le statut de travailleur indépendant.
Le droit à la sécurité sociale est consacré par l’article 23 de la Constitution belge, à charge pour le législateur de le mettre en œuvre et de garantir à chacun le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. Les études montrent que les travailleurs des plateformes se heurtent à des difficultés majeures sur le plan de la protection sociale. Cet article a pour but de montrer que la législation existante ne leur permet pas réellement d’exercer le droit fondamental qu’est le droit à la sécurité sociale. À cet égard, nous nous intéressons à la fois au cadre général régissant le système belge de sécurité sociale et aux mesures récemment adoptées par le législateur belge dans le domaine de l’économie dite du partage. Une analyse de ces dispositions révèle que bon nombre de travailleurs des plateformes sont dépourvus de protection sociale, tant effective que légale. Il est à tout le moins permis de se demander si le législateur belge honore l’obligation positive qui lui incombe de permettre l’exercice du droit à la sécurité sociale que la Constitution reconnaît aux travailleurs des plateformes et respecte l’obligation négative consistant à s’abstenir de l’affaiblir.
Le Ghana et le Nigéria ont depuis peu rejoint le groupe des pays qui ont intégréà leur régime de sécurité sociale des programmes de pension par capitalisation à cotisations définies. Les analyses menées ces dernières années sur les réformes des pensions ont toujours porté sur les pays à revenu moyen d'Amérique latine et d'Europe centrale et orientale, ainsi que sur les Etats membres de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques, et partant ont minoré les réformes entreprises récemment dans les pays d'Afrique subsaharienne. Le présent article examine le passage, total pour le Nigéria, partiel pour le Ghana, à un programme de pension à cotisations définies et met en évidence un certain nombre d'éléments contextuels et conjoncturels qui remettent en cause la possibilité de résoudre la question de l'adéquation des prestations en Afrique subsaharienne par le biais des régimes à cotisations définies.
Dans les années 1990, suivant en cela l'exemple du Chili, plusieurs pays d'Amérique latine et d'autres pays ont réformé leur régime de retraite, en s'inspirant des modèles par capitalisation sous gestion privée. Bien que certains aspects de ces réformes se soient révélés positifs, ces régimes ne procurent pas un revenu suffisant pour de nombreux bénéficiaires. Le développement des régimes de retraite liés à l'emploi peut offrir à cet égard une solution complémentaire, contribuant à améliorer le niveau des pensions. Cet article traite des différents régimes de retraite complémentaires et s'attache en particulier au cas de la République dominicaine. Selon les auteurs, la mise en place de régimes de retraite complémentaires liés à l'emploi pourrait constituer une option viable dans ce pays en développement.
Cet article examine les processus, les résultats et les implications d'une évaluation de faisabilité financière d'une assurance sociale maladie (ASM), dans le cadre de la recherche par le Lesotho des moyens d'atteindre une couverture universelle en matière de soins de santé. Des données quantitatives fournies par les pouvoirs publics et d'autres sources, et des données qualitatives résultant de discussions avec les parties prenantes, ont été entrées dans SimIns, un logiciel de simulation d'assurance maladie. Avec ce dernier, on a ensuite projeté les recettes et les dépenses de l'ASM pour une période de onze ans. En principe, l'évaluation révèle que, par le biais d'une combinaison de financement fiscal et de cotisations sociales, tous les citoyens du Lesotho pourraient être couverts pour un ensemble de prestations sanitaires définies dans le cadre des hypothèses directrices déterminées. Ce dispositif de financement fournirait une protection du risque financier et renforcerait l'équité dans l'accès et le financement de la santé.
Le présent article analyse les performances macrofinancières initiales des mesures de «privatisation» partielle des systèmes de retraite — reposant sur la création de comptes d'épargne retraite individuels gérés par le secteur privé— mises en œuvre dans bon nombre de pays émergents d'Europe. Les données empiriques portant sur une période de près de dix ans montrent que le rendement des comptes d'épargne retraite individuels privés a été inférieur au taux de rendement implicite des régimes financés par répartition. Parmi les principaux facteurs qui expliquent que les performances des comptes d'épargne retraite individuels n'aient pas étéà la hauteur des attentes figurent le niveau élevé des coûts de fonctionnement et le caractère peu développé des marchés financiers. Il ressort des éléments empiriques disponibles que la Serbie aurait intérêt à donner la prioritéà des réformes paramétriques du régime par répartition et à renoncer aux réformes impliquant une «privatisation» partielle du système de retraite.
Le présent article porte sur les micropensions dont, sans être les seules, les institutions de microfinance (IMF) sont les principaux promoteurs. Il tente ainsi de combler une lacune de la littérature sur la sécurité sociale en Inde. L'analyse montre que, du fait qu'elles ciblent un public hétérogène, les micropensions doivent être volontaires et portables et que diverses solutions pourraient être testées tant en ce qui concerne leur conception que leur distribution. C'est pourquoi les régimes de micropension décentralisés, fonctionnant dans le cadre d'une réglementation adaptée et dans le respect du principe de bonne gouvernance, semblent plus adaptés au contexte indien que des régimes centralisés et plus rigides. Cet article présente ensuite brièvement deux études de cas portant sur des régimes de micropension récemment mis en place en Inde. Il montre la nécessité de réaliser des analyses rigoureuses sur le secteur des micropensions, notamment en ce qui concerne les modes de sortie et la mise au point de mécanismes de distribution innovants. Il conclut que les micropensions pourraient constituer l'une des composantes les plus utiles du système de sécurité sociale à plusieurs piliers de l'Inde et qu'il convient de les promouvoir.